RETOUR SUR LES CONGRES MONDIAUX AACR ET ASCO 2025

Les deux congrès majeurs mondiaux de Cancérologie ont eu lieu cette année à Chicago : American Association for Cancer Research (AACR) du 25 /04 au 30/04 et American Association for Clinical Oncology (ASCO) du 29/05 au 02/06 en présence de plus de 30.000 participants.

Les avancées les plus spectaculaires de la recherche sont actuellement liées au développement des techniques de biologie moléculaire, de la bio-informatique (avec une composante « IA » qui est de plus en plus utilisée) et les nouvelles molécules qui sont soit des thérapies ciblées, soit des immunothérapies cellulaires qui sont revenues en force en Cancérologie et probablement pour rester à long terme compte tenu des résultats spectaculaires.

Dans ce domaine, les progrès majeurs sont en cours d’être obtenus notamment dans le domaine des vaccins thérapeutiques et ce dernier sujet était un des aspects les plus innovants rapportés au congrès AACR.

(Par le Professeur Ali Turhan, Université Paris Saclay - Faculté de Médecin, Directeur– Inserm U1310 – Hôpital Paul Brousse, Modèles de Cellules Souches Malignes et Thérapeutiques- Villejuif)

RETOUR SUR LES CONGRES MONDIAUX AACR ET ASCO 2025

AACR 2025

Rencontres de 3eme type : Quand vous avez un cancer, est-il possible que l’on puisse détecter dans votre sang, des cellules immunitaires (cellules T) qui ont été au contact des mutations présentes dans votre tumeur ? Si ces cellules T circulent dans votre sang, est-il possible d’étudier par des techniques de bio-informatiques, les antigènes tumoraux contre lesquels elles ont été « éduquées » ? Ce concept qui était difficile à imaginer il y a quelques années a été démontré par une équipe de la Jolla (Schoenberger et coll) en Californie. Pour cela, ils ont étudié en parallèle la tumeur (n=300 patients) et le sang des mêmes patients par des techniques de séquençages ADN et ARN. De manière étonnante, les cellules T ayant rencontré des neoantigènes des tumeurs étaient identifiées dans le sang dans tous les types de cancer y compris les plus graves : Pancréas, poumon, glioblastome, sarcomes… . Ces résultats pourraient en effet permettre les stratégies pour activation de ces cellules et le développement de vaccins personnalisé contre le cancer, qui permet aussi bien sûr de faire un « monitoring » immunologiques des traitements.

Les essais cliniques de vaccin anti-cancer par injection d’ARN sont également en pleine développement. Un essai clinique multinational testant l’efficacité d’un vaccin ARN chez les patients atteints d’un cancer du pancréas opérable, a montré la durée de vie incroyable des cellules T activées par le vaccin : Il a ainsi été montré que les cellules T activées, pourraient persister pendant plusieurs années et même décades !! (par projection). Cet essai clinique récemment publié (Sethna, Guasp, Nature 2025) a testé l’efficacité d’un vaccin ARN (Société BioNTech) administré chez les patients opérables et ayant reçu chimiothérapie standard. Dans le groupe ayant reçu le vaccin (en plus du traitement standard), on a observé une survie plus longue. Les cellules T ayant réagi contre le vaccin ont été identifiées suivies de manière longitudinale. Ainsi, le vaccin a induit des clones de cellules T-mémoire de novo, ayant la capacité de persister et rester fonctionnels. De manière intéressante, les patients ayant une réponse immune T cytotoxique plus faible avaient une rechute plus précoce. Cette étude pratiquée sur une faible cohorte est en cours d’être étendue à un essai clinique de Phase II.

Le potentiel des immunothérapies utilisant des anticorps « inhibiteurs checkpoints » (IC) a été démontré de manière spectaculaire, notamment chez les patients dont les tumeurs ont des défauts de réparation d’ADN. Chez les patients atteints de cancers colorectaux, 49 des patients ayant ce profil ont eu une réponse complète (100%) aux inhibiteurs « checkpoints » rendant la chirurgie non-nécessaire. Ces résultats ont été aussi obtenus dans d’autres tumeurs solides (Cercek et coll). Dans un autre essai clinique il a aussi été montré qu’il était possible de suivre les patients qui ont été opérés en cherchant dans leur sang l’ADN circulant des tumeurs (ctDNA). Les patients qui ont des ctDNA circulants (donc ayant une rechute infra clinique) étaient traités par des IC et la majorité ont obtenu réponse durable de plus de 2 ans (Janjigian et coll).

Le potentiel majeur de l’immunothérapie « adoptive » a aussi été montré par utilisation des cellules « Natural Killers » ou NK. Ces cellules qui font partie des systèmes de défenses « innés) et ont été utilisées comme une arme thérapeutique dans les lymphomes et les leucémies réfractaires. Cependant leur efficacité reste limitée dans les cancers solides. Une nouvelle approche est de les modifier génétiquement pour les rendre plus résistante et leur donner la capacité « d’attaquer » les tumeurs solides : Ainsi le concept de TriKE (tri-spécifique Killer Engagers » est passé actuellement à la clinique dans le cancer de la prostate (en utilisant PSA comme cible) et glioblastome (B7H3 comme cible).

ASCO 2025

Nouvelles stratégies thérapeutiques, nouvelles molécules et l’immunothérapie étaient également les domaines les plus remarqués.

Dans le cancer du pancréas inopérable, pour lequel les approches thérapeutiques sont limitées, une première étude randomisée a été présentée démontrant l’utilité d’ajouter au traitement standard, une exposition au champ électrique « tumor treating fields ou TTF) délivré localement à travers la peau via un appareil portable (Novo TTF). De nombreuses études avaient montré in vitro l’effet anti tumoral de ce système. Dans l’essai clinique PANOVA randomisé, comprenant 571 patients, 285 patients ont utilisé le système électrique contre 286. On a observé un effet favorable sur la survie globale et survie sans progression, détaillée dans l’article qui a paru en parallèle (Babiker et al , JCO 2025).

Dans le cancer colorectal métastatique, la détermination de l’instabilité génétique de la tumeur liée au défaut de réparation d’ADN, est devenue d’une importance capitale : Dans un essai clinique ChekMate 8HV, l’utilisation de deux IC (Nivo + IPI) a été testée en comparaison avec la chimiothérapie classique chez ces patients : la survie sans progression était de 54 Mois dans le premier groupe versus 5,9 mois dans le groupe de chimiothérapie ( Lentz et coll.) Chez tous les patients ayant ce profil d’instabilité (déterminée par l’analyse de la biopsie de la tumeur), le traitement standard proposé en première ligne est donc l’immunothérapie, permettant d’éliminer la chimiothérapie classique, ce qui est un progrès majeur.

Dans le cancer du sein triple négatif inopérable souvent réfractaire aux thérapies standard, une équipe de Boston (Tolaney et coll. Dana Farber) a testé la combinaison d’un inhibiteur de topo isomérase associé l’immunothérapie par les IC versus IC associés à la chimiothérapie. Parmi les 443 patients, la survie sans progression était de 11,2 mois dans le premier group versus 7,8 mois dans le groupe chimiothérapie. Dans le cancer du sein avec mutations des récepteurs ostrogéniques, (ESR) le traitement par un traitement antihormonal (Tamoxifène) n’est pas efficace : Un essai clinique a montré que la mutation ESR1 peut etre détectée dans le sang et permet ainsi de remplacer le Tamoxifène par un autre inhibiteur oestrogénique, Camizestrant, permettant d’augmenter la survie sans progression de 9,2 mois à 16 mois (Essai SERENA, Nick Turner).

Dans le cancer du poumon métastatique avec mutation KRAS (G12C), un essai clinique (KRYSTAL 7) a testé l’utilisation d’une thérapie ciblée anti-KRAS (Adagrasib) en combinaison avec l’immunothérapie par IC (Pembro). Cette combinaison a donné des résultats extraordinaires avec un taux de réponse de 44% et une survie sans progression de 27 mois. La survie médiane globale n’était pas encore été atteinte..