Les tumeurs malignes osseuses : panorama des derniers progrès thérapeutiques
Les sarcomes osseux sont des tumeurs rares et hétérogènes dans leurs présentations et leurs modes évolutifs. On peut distinguer les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing, touchant généralement les sujets jeunes ou AJA (Adolescent et jeunes adultes), des chondrosarcomes survenant généralement après 50 ans.
Leur prise en charge nécessite dès la suspicion du diagnostic un adressage en centre expert sarcome ou NETSARC (https://expertisesarcome.org/). En effet, le diagnostic passe par une biopsie qui doit être réalisée dans des conditions de sécurités suffisantes et avec repérage du trajet de biopsie. Une étude récente a démontré le bénéfice en terme de taux de guérison et de survie d’une prise en charge en centre expert(1)
Modes de présentations : Les ostéosarcomes et sarcomes d’Ewing ont généralement une présentation bruyante en terme de symptômes avec l’apparition rapide de douleurs osseuses, gonflements voir de signes inflammatoires locaux amenant à la réalisation d’examens complémentaires. Dans les deux cas les métastases, notamment pulmonaires, au diagnostic sont retrouvé dans 20 à 25% des cas. Les chondrosarcomes ont une présentation plus progressive avec l’apparition d’une masse ou de douleur sur plusieurs mois, la présence de métastase au diagnostic est beaucoup plus rare.
Principes de prise en charge et innovation :
La prise en charge des ostéosarcomes et sarcomes d’ewing est un exemple parfait de la prise en charge multimodales et pluridisciplinaire des cancers. Le pronostic de ces pathologies a été transformé avec le développement de protocole de polychimiothérapie(2). Le standard est effectivement la réalisation d’une chimiothérapie première ou néoadjuvante, suivie d’une chirurgie, de nous jours de plus en plus « conservatrice » c’est-à-dire sans amputation, suivie d’une chimiothérapie adjuvante adapté au niveau de risque de rechute. Compte-tenu de la rareté de ces pathologies, d’important consortium internationaux ont été créer afin de pouvoir développer des essais cliniques posant des questions de stratégie. On peut citer l’étude Euroewing 2012(3), essai clinique international ayant inclus plus de 600 patients avec un sarcome d’Ewing au diagnostic. Cette étude a permis d’établir qu’une polychimiothérapie par VDC/IE (Vincristine, Doxorubicine, Cyclophosphamide, Ifosfamide, Etoposide), augmentait le taux de guérison et ce protocole est désormais le standard de traitement des sarcomes d’Ewing. A la rechute, plusieurs études ont montré une activité de médicament anti-angiogénique, ou tyrosine kinase inhibiteur. L’étude Regobone(4), menée par le Groupe Sarcome Français, a ainsi montré l’intérêt en terme de contrôle de la maladie d’un traitement par Regorafenib, une thérapie orales multicibles ciblant notamment la voie de l’angiogénèse. Ce traitement est actuellement évalué dans une logique de maintenance, en prévention des rechutes, après traitement d’ostéosarcome localisé dans l’étude Regostat. Concernant l’immunothérapie, si des premières études n’ont pas retrouvé de signal d’efficacité de ce type de traitement dans les sarcomes osseux, des études pré-cliniques ont démontrés un effet synergique d’une association immunothérapie et thérapie ciblée anti-angiogénique. Ainsi, l’étude Pembrocabosarc évalue l’association Pembrolizumab au cabozantinib dans les sarcomes d’Ewing et les ostéosarcomes.
Concernant les chondrosarcomes, ces tumeurs sont réputées résistante à la chimiothérapie et à la radiothérapie classique, la prise en charge repose sur la chirurgie. En cas de rechute, ou bien lorsque la chirurgie n’est pas faisable techniquement, des techniques innovantes de radiothérapie sont généralement proposé. Ainsi la protonthérapie, qui est une technique d’irradiation utilisant des protons, à l’inverse de la radiothérapie « classique » qui utilise des photons. L’intérêt de cette technologie est la possibilité d’une augmentation de l’intensité du traitement au niveau de la tumeur cancéreuse avec une dispersion moindre au niveau des organes à risques. D’autres techniques sont également en développement, on peut citer à titre d’exemple les ions carbones développés dans certains pays européens. En cas de maladie métastatique ou réfractaire aux traitements locaux les traitements anticancéreux classique permettent au mieux une stabilisation. Plusieurs drogues sont en cours de développement dans les chondrosarcomes, on peut citer des agonistes de DR5 (récepteur de la mort cellulaire programmé ou apoptose), actuellement évaluer dans un essai de phase 2 (NCT04950075), ou bien les inhibiteurs de IDH1 (NCT06127407) évalués dans un essai de phase 3 chez les patients porteurs de chondrosarcomes métastatiques ou non opérables avec une mutation de IDH1 ce qui représente environ 40% des patients dans cette situation.
Conclusion : Au total, malgré la rareté et l’hétérogénéité des sarcomes osseux, ces dernières années ont été marqué par plusieurs avancé majeurs dans la prise en charge de ces pathologies. Plusieurs essais cliniques sont en cours et permettrons probablement de nouvelle avancée à moyen-terme. On souligne que la collaboration internationale et la structuration en réseau de centre expert a été et reste essentielle dans notre capacité à conduire de tels essais.
Par le docteur Benjamin VERNET, Oncologue médical, département de médecine oncologique, Gustave Roussy Cancer Campus.
References : 1. Blay JY, Penel N, Valentin T, Anract P, Duffaud F, Dufresne A, et al. Improved nationwide survival of sarcoma patients with a network of reference centers. Ann Oncol. avr 2024;35(4):351‑63. 2. Casali PG, Bielack S, Abecassis N, Aro HT, Bauer S, Biagini R, et al. Bone sarcomas: ESMO–PaedCan–EURACAN Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol. oct 2018;29:iv79-iv95. 3. Brennan B, Kirton L, Marec-Bérard P, Gaspar N, Laurence V, Martín-Broto J, et al. Comparison of two chemotherapy regimens in patients with newly diagnosed Ewing sarcoma (EE2012): an open-label, randomised, phase 3 trial. The Lancet. oct 2022;400(10362):1513‑21. 4. Duffaud F, Mir O, Boudou-Rouquette P, Piperno-Neumann S, Penel N, Bompas E, et al. Efficacy and safety of regorafenib in adult patients with metastatic osteosarcoma: a non-comparative, randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 2 study. Lancet Oncol. janv 2019;20(1):120‑33.
