l’épidémiologie du futur : CANCERS ou VIRUS ? et si c’était les deux ?

Par le Professeur Jean Philippe Spano Chef du Service d’Oncologie Médicale Pitié Salpêtrière AP-HP Directeur Exécutif de l'IUC AP-HP Sorbonne Université Coordonnateur du CLIP² Galilée Coordonnateur national pour l’ESMO certification Coordonnateur national du Groupe CANCERVIH Membre du SIRIC CURAMUS IUC AP-HP SU

l’épidémiologie du futur : CANCERS ou VIRUS ? et si c’était les deux ?

Les dernières données de l’OMS et du CIRC annoncées lors de la journée mondiale contre le cancer du 4 février 2024 font état d’une augmentation de l’incidence de près de 77% des cancers pour 2050, soit 35 millions de cas contre 20 millions en 2020. Certes une des causes reste le vieillissement mais plusieurs facteurs de risque doivent être considérés comme le tabac, l’alcool, l’obésité, la pollution mais quid des virus ou autres agents infectieux ?

Depuis bien longtemps le rôle carcinogène de certains virus a été clairement établi comme les virus des Hépatite B et C pour le cancer primitif du foie, le papillomavirus (ou HPV) pour le cancer du col utérin, le cancer du canal anal ou encore certains cancers de l’oropharynx, l’EBV (Eipstein Barr Virus) pour certains lymphomes ou le cancer du cavum etc et aussi celui de certains agents pathogènes comme l’hélicobacter pylori facteur de risque du cancer de l’estomac. Bien entendu la découverte du VIH au début des années 1980 a été un autre exemple non équivoque dans la survenue de certains cancers chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qu’ils soient liés à l’immunodépression (comme le sarcome de Kaposi) ou non (augmentation globale du risque de développement d’un cancer chez les PVVIH de l’ordre de 2 à 3, par rapport à la population générale).

Plus que jamais et en lien étroit avec le dernier plan cancer lancé en 2021 par le Président de la République nous devons concentrer nos efforts en matière de prévention primaire vis-à-vis de ces différents facteurs de risque et contre ces virus « cancérigènes » une arme efficace reste la vaccination (comme celle contre l’Hépatite B ou l’HPV..)

Sensibilisés par le risque important de développer un cancer chez les PVVIH par rapport à la population générale nous avons créé en 2014 un groupe dédié appelé CANCERVIH labélisé par l’INCa, dont les missions sont de veiller à optimiser les prises en charge des PVVIH, assurer des missions de formation et d’information auprès des associations de patients par ex et aussi des missions de recherche. Le cœur du travail de ce groupe repose sur une RCP (réunion de concertation multidisciplinaire) hebdomadaire coordonnée par Me Veyri Marianne (www.cancervih.org)

L’avènement de l’Immunothérapie comme traitement fondamental ou reconnu comme standard pour certains cancers nous a amené à veiller et surveiller de manière plus spécifique les PVVIH qui relèveraient d’un tel traitement dans le cadre de leur cancer. De nombreuses publications sont disponibles à ce jour, issue de Sorbonne Université ou de CANCERVIH et aussi d’autres équipes nationales et internationales, mettant en exergue la bonne tolérance clinique et virologique (en l’occurrence maintien des lymphocytes CD4 et contrôle de la Charge virale du VIH) et par conséquent la faisabilité de l’immunothérapie chez les PVVIH, y compris pour des traitements innovants comme les CAR-T cells.

Cependant, certains virus non seulement seraient impliqués directement dans la survenue de certains cancers (ou indirectement comme pour le VIH) mais pourraient influencer la réponse thérapeutique en influant sur l’environnement péri-tumoral. C’est l’objet d’un travail de recherche fondamental intitulé Vironment coordonné par Pr JP SPANO et mené actuellement par les Dr Baptiste Abbar et Vincent Vieillard au sein de Sorbonne Université et dont l’objectif est d’étudier des facteurs de l’environnement péri-tumoral influençant la réponse sous immunothérapie pour certains cancer viro-induits.

Il est ainsi fondamental de continuer à travailler sur la physiopathologie de ces cancers viro-induits et de promouvoir les campagnes de prévention globale et la vaccination contre ces virus carcinogènes, quand celle-ci- est disponible, si on veut faire fléchir les courbes d’incidence du cancer annoncées !