Focus : les microangiopathies thrombotiques

Un exemple de succès de la médecine translationnelle

Par le Professeur Paul COPPO, Responsable de l’Unité Hémopathies lymphoïdes ; Hôpital Saint-Antoine (APHP) membre du Conseil Scientifique de VAINCRE LE CANCER et Madame Raïda BOUZID, Ingénieur de recherche clinique – INSERM UMRS 1138

Focus : les microangiopathies thrombotiques

Que sont les microangiopathies thrombotiques ?

Les microangiopathies thrombotiques (MAT) définissent un ensemble de pathologies au cours desquelles les petits vaisseaux sanguins de l'organisme sont obstrués par des micro-caillots de plaquettes, aboutissant au décès rapide du patient en l’absence de traitement adapté.

Ces maladies se manifestent par une anémie par fragmentation des globules rouges (fragments appelés schizocytes), une baisse des plaquettes et des défaillances d’organe. Les MAT sont des maladies plutôt rares (quelques dizaines de nouveaux cas par million d’habitant et par an) et graves, mais reconnues et traitées rapidement, elles peuvent avoir un pronostic excellent.

Différentes MAT sont individualisées en fonction de leur mécanisme.

Les principales formes sont :

  • le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), qui résulte d’un déficit en une protéine appelée ADAMTS13 qui a pour fonction de fluidifier le sang,
  • et le syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui peut s’observer en contexte infectieux (typiquement sous la forme d’épidémies après consommation d’aliments contaminés bien connus : viande ou pizzas surgelées…), ou plus rarement en rapport avec des anomalies génétiques dans le système de défense du complément.
  • Enfin, une MAT peut parfois s'observer chez les patients atteints de cancers, et en représente alors une complication grave. La MAT peut directement résulter du processus tumoral, qui induit des emboles tumoraux métastatiques dans la micro-circulation. Les patients ont alors souvent des cellules d’aspect ou de forme anormale dans le sang, et des métastases médullaires (Figure). Dans d’autres cas, des traitements anticancéreux eux-mêmes induisent une MAT, comme la mitomycine C, la gemcitabine et les thérapies anti-angiogéniques.

En 20 ans, une révolution thérapeutique !

Pendant longtemps, le traitement des MAT est resté empirique, car les mécanismes de leur survenue restaient inconnus.

Ces vingt dernières années cependant, de fantastiques progrès ont permis de classer les MAT en fonction de leurs mécanismes.

Ainsi, la mise en évidence du rôle majeur de la protéine ADAMTS13 dans le PTT, ainsi que la compréhension des mécanismes du déficit, ont permis de mettre au point des thérapies spécifiques en cours d’évaluation :

  • une protéine ADAMTS13 recombinante qui devrait permettre très prochainement de remplacer le plasma que l’on utilise actuellement comme source d’ADAMTS13,
  • des anticorps monoclonaux thérapeutiques ciblant les lymphocytes B et permettant de bloquer la formation d’anticorps anti-ADAMTS13,
  • ainsi que des anticorps inhibiteurs dirigés contre le facteur Willebrand, qui est la protéine pathologique qui s’accumule à cause du déficit en ADAMTS13.

De manière parallèle, la compréhension du rôle du système du complément dans la survenue de certains SHU a permis de développer des thérapies capables d’inhiber ce système et ainsi d’améliorer remarquablement le pronostic de ces maladies au cours desquelles les patients développaient une insuffisance rénale terminale ou même décédaient.

Enfin, dans d’autres formes de MAT graves comme celles associées à certains traitements du cancer, des essais thérapeutiques évaluent actuellement l’intérêt de ces thérapies ciblant les protéines du complément avec des résultats prometteurs.

En 20 ans, l’identification des mécanismes à l’origine des principaux types de microangiopathies thrombotiques ont pu déboucher sur la mise au point de thérapies ciblées, qui ont révolutionné le pronostic de ces maladies historiquement mortelles.

Ces nouvelles thérapies ont pu être développées grâce aux travaux menés par différentes équipes dans le monde, qui ont su s’organiser et mettre en place des registres de patients et des recommandations thérapeutiques, afin d’évaluer rapidement les nouvelles stratégies issues des découvertes faites au laboratoire.

De ce fait, les MAT représentent un bel exemple du succès de la médecine translationnelle, traduisant une synergie efficace entre recherche fondamentale et recherche clinique. En France, la mise en place du plan national maladies rares a permis de définir en 2006 un centre de référence dédié à ces pathologies.

Ce centre, le CNR-MAT (www.cnr-mat.fr) comporte un registre national comportant plus de 4000 observations de patients atteints de MAT, ce qui représente un outil de travail unique au monde. De par son organisation, le CNR-MAT a pu contribuer à développer des thérapies innovantes comme le rituximab, le caplacizumab, l’eculizumab, ainsi qu’actuellement la protéine ADAMTS13 recombinante. Dans les années à venir, les travaux en cours devraient encore profondément modifier les standards thérapeutiques dans ces maladies passionnantes, pour le bénéfice des patients.

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